19.12.10

Sapin, guirlandes eet boules.

Bientôt Noël. Sapin, guirlandes et boules.
Allez, c'est la trêve ! Je mets mes indignations en stand-by. Juré, promis, craché : je n'évoquerai pas les SDF qui mourront de froid cet hiver, vous n'aurez aucune phrase scandalisée sur les centaines de salariés jetés à la rue par le capitalisme débridé made in FMI et Union Européenne, vous ne saurez rien de ma honte d'être en pleine forme quand l'Etat s'attaque à la santé, je ne vous encombrerai pas les neurones avec les guerres encore et toujours en Irak ou en Afghanistan, rien sur les élections dites libres en Côte d'Ivoire, pas même un couplet sur le sort fait aux jeunes dans notre belle et généreuse France... bien que j'en ai terriblement envie. Et en comptez pas sur moi pour déplorer la dramatique nécessité des restau du coeur.
Rien, je vous le répète : rien.
Je fais comme tout le monde ces temps-ci : sapin, guirlandes et boules.
Histoire de patienter jusqu'au réveillon où là, les amis, je vais me la donner dans les agapes. A commencer par le foie gras, dont je suis un fanatique inconditionnel. J'ai même une recette à proposer : vous coupez votre foie frais en parts d'un centimètre d'épaisseur, puis... Mais on verra ça plus tard. Côté volaille, j'hésite encore entre un somptueux poulet de Bresse, un chapon du Gers, une oie ou l'indémodable dinde... Grave dilemne !
Dilemne d'autant plus difficile à trancher qu'à l'approche des fêtes de fin d'année, certains groupuscules reprennent de l'activité pour nous donner mauvaise conscience avec vigueur. Ils se préoccupent, en effet, de cette chose essentielle et vitale qu'est la dignité... des animaux de basse cour ! Ces militants des droits de la poule n'ont qu'une revendication, qui résonne comme un credo : lutter pour "les droits les plus élémentaires que sont marcher, courir, jouer, gratter le sol, construire un nid, prendre soin de leurs petits, se prélasser au soleil". Je n'invente rien, c'est dans leur revue "Champ libre"... Allez, c'est la trêve, je ne critique pas. Sapin, guirlandes et boules.
"Quand on n'aime pas les animaux, on n'aime pas les hommes !" C'est aussi ce que pérorait Bardot la facho qui, au plus fort de la guerre au Kosovo, envoyait des camions de canigou pour les toutous dont plus personne ne s'occupait. Les nazis aussi aimaient leurs chiens. Comme aujourdhui les Sarko-boy.
Donc côté "poules", ça va.
Côté "voleurs de poules", c'est la cata.
Ceux que l'on surnomme ainsi sont les gitans, les roms, pudiquement dit : les gens du voyage. Leur dignité à eux on s'en balance ! Peuvent bien survivre avec les rats dans de sordides campements improvisés, peuvent bien manger une fois de temps en temps, leurs marmailles peuvent bien se chopper toutes les saloperies de la pauvreté, leurs vieux peuvent bien crever dans de longues maladies mal soignées, leurs femmes peuvent bien vivoter de l'aumône d'un jour de marché, peuvent bien n'avoir qu'un seul point d'eau pour dix familles... Z'avaient qu'à pas ! Na !
Déjà, j'entends le beauf qui sommeille en nous trépigner : "mais c'est la vie qu'ils ont choisie !" Ceux-là ont autant de compassion que les crétins au sujets des sidéens "Z'avaient qu'à faire gaffe, l'ont bien cherché :" ou des abrutis à propos des chômeurs : "Quand on veut du boulot, on en trouve !"... Décidément, il y a trop d'idées à la con qui circulent. Heureusement, on va pouvoir calmer sa conscience pour quelques piécettes jetées à la va-vite dans la coupelle de l'Armée du Salut. Mais je me suis promis de ne pas me moquer. Sapin, guirlandes et boules.
En attendant, le franchouillard satisfait applaudit lorsque les Sarko-boy évacuent avec perte et fracas les camps de fortunes où des hommes, des femmes et des enfants essaient de vivre, suivis de près par les gens du Maire de Paris qui n'a qu'une précieuse urgence dans la tonne de dossiers à traiter : envoyer les bulldozers sur les cabanons du bois de Vincennes. Les soiffards de tous les troquets d'en face sont soulagés, ils pourront de nouveau siroter leur petit jaune peinards, sans ce spectacle désolant de ces familles entassées dans des égouts à ciel ouvert, qui donne aux cacahuètes un goût de dégueuli.
Entre la dignité des poules et celle des voleurs de poules, mon choix est sans appel : l'Homme ! Surtout quand, sur sa guitare, il nous offre une ballade de Django.
Laissons-nous aller à la pensée d'Alain Souchon "Dans les poulaillers d'acajou, les belles basses cours à bijoux, on entend la volaille qui fait l'opinion, qui dit : on peut pas être gentil tout le temps, on peut pas aimer tous les gens."
Ces réflexions ne m'engagent même pas, puisque c'est la trêve : Sapins, guirlandes... et surtout les boules.